Entrave au droit syndical à l’Université Savoie Mont Blanc ?


Ce lundi 18 décembre, le président Philippe Galez a annoncé à l’ensemble des personnels de notre établissement sa décision de modifier les modalités d’expression syndicale par voie électronique.

Nos organisations dénoncent cette décision contraire à la réglementation, et veulent rétablir les faits sciemment passés sous silence dans la communication présidentielle.

Ces nouvelles modalités de diffusion syndicale, dont la mise en place aura lieu dès janvier, enfreignent le cadre réglementaire. La circulaire du 29 novembre 2016, sur laquelle le président prétend s’appuyer, est pourtant très claire :

« Les organisations syndicales peuvent utiliser des listes de diffusion selon deux modalités :

[…]

– la mise à disposition d’un outil interne de gestion de listes de diffusion associé à la messagerie professionnelle ne faisant pas apparaître le contenu nominatif des listes et permettant à chaque organisation syndicale de s’adresser à tous les personnels ou à un ensemble de personnels défini en fonction de l’affectation et/ou du corps ou de la catégorie d’agent non titulaire » (1).

Si la circulaire prévoit que « chaque agent doit avoir la possibilité de ne plus recevoir de messages » (2), elle affirme également que les listes doivent permettre de s’adresser à tous les personnels. Les organisations syndicales représentatives au ministère ont d’ailleurs émis, lundi dernier, un avis (3) invitant la ministre Sylvie Retailleau, prévenue depuis des semaines mais restée silencieuse, à rappeler la loi à la direction de l’USMB, dont l’entêtement est en train de la rendre célèbre nationalement.

Dans son message de lundi 18 décembre, Philippe Galez tente de légitimer sa décision en affirmant que cette révision a été présentée et discutée au conseil social d’administration (CSA) du 5 décembre. Ce que le président omet cependant de dire, c’est que le CSA a émis, à la quasi-unanimité, un avis négatif, avec 7 votes contre et 1 abstention ! Que Philippe Galez s’assoie allègrement sur le vote, qui a une valeur consultative, est une chose ; mais qu’il tente de l’utiliser pour légitimer une décision irrégulière constitue une manœuvre scandaleuse. Ce n’est pas faire « preuve de tolérance » que de laisser les personnels constitué·es en syndicats s’exprimer librement, c’est simplement respecter un droit.

En outre, pour motiver ses décisions récentes, Philippe Galez et son équipe prétendent s’appuyer sur l’affirmation selon laquelle les listes de diffusion syndicale « doivent à l’exclusion de toute autre finalité, être utilisées dans le but de diffuser des informations d’origine syndicale ». Cet argument est nul et non avenu : nos communications relaient des appels à manifester dont nos centrales et/ou unions départementales et locales sont partie prenante. C’est notamment le cas des manifestations de soutien du peuple palestinien qui se déroulent depuis début octobre, et qui ont déclenché l’ire présidentielle, dans un contexte de répression brutale de la liberté d’expression et de manifestation. Dans d’autres universités, des conseils d’administration et des présidents prennent au contraire position pour défendre la liberté d’expression, y compris sur ce conflit : c’est le cas de Paris-Nanterre (motions en pièce jointe) ou de l’UNIGE.

Sans action de notre part à toutes et tous, les quelque 4000 agent.es de l’USMB qui reçoivent les informations syndicales seront désabonné·es dès janvier. La présidence enverra alors, une fois par an, un message dont les termes seront à sa convenance, proposant aux personnels de l’établissement de s’abonner à de multiples listes pour recevoir les communications de chaque organisation syndicale.

Les personnels, pourtant appelé·es à élire leurs représentant·es dans les conseils et instances, ne recevront donc plus automatiquement les comptes-rendus du travail syndical qui y est effectué. Les initiatives de solidarité financière, à l’image de la caisse mise en place lors du dernier mouvement contre la réforme des retraites, ne pourront plus être diffusées largement, pas plus que les informations sur les primes ou le fonctionnement de l’établissement. Les appels à se mobiliser pour maintenir les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses (à l’image du droit à la retraite) ou en conquérir de nouveaux seront invisibilisés.

Plus grave encore, le fonctionnement par abonnement entrainera de fait la constitution de listes de collègues syndicalistes ou sympathisant·es des actions syndicales, c’est-à-dire un fichage qu’il serait facile d’utiliser à mauvais escient dans un contexte encore plus répressif.

Cet acte, c’est la volonté de museler, chez les personnels, toute voix discordante. Aucun établissement du supérieur ne s’était encore autorisé à transgresser ainsi une liberté constitutionnelle.

Pour défendre leur droit à la parole, les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peuvent pas compter sur d’autres forces que les leurs : la ministre Sylvie Retailleau, prévenue depuis des semaines, n’a pas bougé. Organisé·es dans les syndicats, c’est par leurs actions quotidiennes qu’ils et elles défendent leurs intérêts et ceux des travailleurs et travailleuses du monde entier. Victoire ou défaite, ne pas combattre l’arrêté de la présidence, c’est accepter de laisser les autoritaires faire taire les voix plurielles.

C’est la raison pour laquelle les élu.es ESPER et UNSA-SNPTES ont quitté le conseil d’administration ce mardi 19 décembre 2023 à 14h05.

Nos organisations syndicales appellent l’ensemble des collègues à prendre contact avec nous pour envisager des modalités d’action :

– CGT Ferc Sup : syndicat.cgt@univ-smb.fr

– FO ESR : syndicat.fo-esr@univ-smb.fr

– SNESUP-FSU : syndicat.snesup-fsu@univ-smb.fr

– SNPTES-UNSA : syndicat.snptes@univ-smb.fr

Chambéry, le 19 décembre 2023

Les élu.es : Marie-Laure Allaria, Emma Bell, Guillaume Defrance, Mathieu Mangeot, Maude Vadot

avec CGT Ferc Sup, FO ESR, SNESUP-FSU et SNPTES-UNSA de l’université Savoie Mont Blanc

(1) « Circulaire du 29 novembre 2016 relative aux conditions et modalités d’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les organisations syndicales », https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/circulaire_TIC_des_OS_1040593.pdf

(2) Nos organisations ont signalé à de multiples reprises que le lien de désabonnement fourni par l’USB en fin de mail ne fonctionnait pas, mais rappellent aux quelques collègues qui se plaignent auprès d’elles qu’elles n’ont pas la main sur ce problème.

(3) Avis n° 4 sur la liberté de communication syndicale, CSA du MESR du lundi 11 décembre 2023 :

« Des organisations ont écrit à Mme la ministre concernant une tentative de remise en cause du droit à l’information syndicale par mail à l’Université de Savoie Mont-Blanc. La direction de cet établissement a interdit au syndicat CGT FERC Sup de l’USMB la diffusion de messages syndicaux aux personnels, enfreignant ainsi arbitrairement le droit syndical. Par la suite, elle a cherché à imposer à l’ensemble des organisations une charte qui restreindrait de fait la diffusion de messages électroniques syndicaux. Le Comité social d’administration du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche rappelle que la liberté syndicale est garantie par le préambule de la Constitution et par la Déclaration des droits de l’Homme et qu’il n’appartient pas à la direction d’une université d’imposer les sujets sur lesquels un syndicat serait libre ou non de communiquer. Le CSA-MESR demande à la Ministre de rappeler ces principes à la direction de l’USMB, de lui enjoindre d’annuler sa volonté de mise en place d’une « charte » et de rétablir le droit à diffusion de messages syndicaux. »